Football, l’illusion d’un sport sans dopage Football, l’illusion d’un sport sans dopage Football, l’illusion d’un sport sans dopage
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Football, l’illusion d’un sport sans dopage

Publié le 6 juin 2018,
par VisionsMag.
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« S’il y avait un problème sérieux de dopage dans le football, on le saurait »(1) . C’est par cette phrase péremptoire que Gianni Infantino, président de la Fifa, s’est exprimé au sujet du dopage dans le monde du football. Un avis partagé par d’autres figures majeures du ballon rond, Michel Platini et Didier Deschamps inclus. Si, selon eux, la prise de substances prohibées s’avère efficace dans les disciplines d’endurance telles que l’athlétisme ou le cyclisme, aucun produit « ne permet de mieux tirer dans la lucarne »(2). Une thèse appuyée par les chiffres officiels : depuis la mise en place en 1966, de contrôles généralisés lors des Coupes du Monde, seuls trois cas positifs ont été décelés, sur un total de 2854 tests. Le football serait donc un sport propre, les quelques cas décelés ne relevant que d’initiatives individuelles rarissimes.

Stupéfiante Juventus de Turin

Le même Didier Deschamps s’était pourtant trouvé en plein cœur d’une violente tempête lorsque son équipe, la Juventus de Turin, avait fait l’objet de révélations fracassantes au début des années 2000. L’affaire était mal engagée : devant des présomptions de dopage institutionnalisé, une vaste enquête avait été menée contre le club turinois. Une perquisition effectuée dans l’infirmerie avait permis aux enquêteurs de découvrir une pharmacopée digne de celle d’un hôpital, curieusement achalandée et bien éloignée du nécessaire requis pour soigner une vingtaine de jeunes gens en pleine santé. Des analyses sanguines de certains joueurs montraient quant à elles des variations suspectes de l’hémoglobine, indice pouvant indiquer l’administration de produits stimulants. Parmi eux, Zinedine Zidane et Didier Deschamps.
 
Après de multiples rebondissements, l’enquête fut clôturée pour vice de procédure. Pourtant, le dopage dans le milieu du football italien pourrait s’avérer beaucoup plus important que ce qu’il est convenu d’admettre officiellement. Durant des décennies, des joueurs professionnels ont fait l’objet d’injections et de cures de « vitamines ». Si les produits administrés demeurent souvent mystérieux, leurs conséquences sur la santé des sportifs se révèlent dramatiques : les cas de cancers, de scléroses et de maladie de Charcot frappent les anciens footballeurs à une fréquence de deux à dix fois plus élevée que le reste de la population(3).

Dopage : contrôles inefficaces et procédures enterrées

Loin de concerner uniquement l’Italie, les affaires de dopage touchent un grand nombre de clubs ou de fédérations. Le docteur Fuentes, bien connu pour ses recettes miracles administrées aux coureurs du Tour de France, a déclaré à plusieurs reprises s’être occupé de joueurs du Barça et du Real Madrid. Son bureau des Canaries, ont sont stockées ses archives, n’a pourtant jamais l’objet de la moindre perquisition. Lors de la Coupe du Monde 2000 en Afrique du Sud, 25 joueurs ont bénéficié de dérogations leur permettant de consommer des produits illicites en toute impunité.
 
Une équipe de hackers russes, qui s’est procuré un document confidentiel et interne à la Fifa, a révélé que 160 footballeurs ont été contrôlés positifs pour la seule année 2015, et 220 en 2016. De quoi faire réagir la Fifa, qui oublie de dénoncer ces cas de dopage, mais fustige l’usage d’« informations obtenues illégalement ». Le rapport McLaren, qui laissait entrevoir des pratiques illégales dans le football russe, a été tout récemment enterré par la même Fifa. En Angleterre, le docteur Bonar a reconnu avoir administré des produits interdits à des joueurs d’Arsenal, de Leicester et de Chelsea.
 
La France n’est pas épargnée, comme en témoigne le flou entretenu en 1998. Un contrôle inopiné lors de la préparation à Tignes avait déclenché la colère d’Aimé Jacquet, des joueurs, de la plupart des médias ainsi que des supporters, tous soutenant qu’une telle mesure ne pouvait que nuire à la concentration de l’équipe. Pratiquement aucun autre contrôle n’avait été effectué, et les seuls échantillons obtenus avaient été détruits sur ordre de la Fifa. Les autorités françaises, alertées par les douanes qui avaient vu passer, dans les bagages de certaines équipes, des produits tels que l’Actovegin et la nandrolone, ont tenté de perquisitionner des hôtels. C’était sans compter sur le veto opposé par la Fifa.

Football, l’illusion d’un sport sans dopage
Avant chaque compétition majeure, la question du dopage revient hanter le monde du sport : à la veille de sa coupe du monde, le football n’échappe pas à la règle.
Football, l’illusion d’un sport sans dopage

Cyclisme : le contre-exemple

Comment expliquer le fait que, à chaque affaire de dopage qui éclabousse le monde du football, la Fifa adopte une attitude frôlant le déni ? Les enjeux financiers seraient-ils trop grands ? Doit-on préserver, au prix d’un silence gêné, la réputation des joueurs incriminés et de leurs équipes ? Faut-il ménager à tout prix le sport-roi ? Le laxisme est en tout cas avéré.
 
La plupart des contrôles ne sont basés que sur des échantillons d’urine, bien moins révélateurs qu’une prise de sang. La mise en place du passeport biologique, récapitulant les données physiologiques d’un joueur pour en détecter les variations, est reportée aux calendes grecques. Cette solution est pourtant la seule capable de déceler la fraude, même lorsque des produits indétectables par une analyse classique sont utilisés. Des produits qui se comptent par dizaines, listés consciencieusement et sur plusieurs pages par le docteur De Mondenard dans son ouvrage « Dopage dans le football » (Editions Gawsewitch, 2010).
 
Dans les années 1990, lorsqu’avait éclaté l’affaire Festina, le cyclisme avait dû surmonter une longue période de désamour de la part du public. Nul doute que les instances footballistiques souhaitent éviter une telle situation. La divergence de traitement entre les deux sports est d’ailleurs flagrante. En 1998, le taux d’hémoglobine affiché par Zinedine Zidane l’aurait par exemple empêché de participer au Tour de France. Toujours en comparaison avec le cyclisme, les sanctions n’ont pas du tout la même teneur : les périodes de suspension sont beaucoup plus clémentes dans l’univers du football, et aucun joueur n’a jusqu’à présent été privé de son palmarès, punition pourtant habituelle dans le vélo. Rien, en tout cas, ne devrait venir perturber la grande fête du ballon rond, qui débutera en Russie dès le 14 juin.
 
1 : Déclaration du 1/12/2017, à Moscou, en marge du tirage au sort de la Coupe du Monde 2018.
2 : Interview de Didier Deschamps dans l’émission « Tout le monde en parle » du 24/03/2001.
3 : 24.000 dossiers de joueurs ont été examinés.
 
Sources des photos : girondins33.com / rtl.fr / futbolgrad.com