Le combat entre les poids lourds britanniques Tyson Fury et Anthony Joshua fait ressurgir les démons d’un monde de la boxe corrompu et influencé par la mafia, alors que l’un des pugilistes a remercié publiquement un parrain présumé pour avoir rendu le combat possible.
Une vidéo de remerciements embarrassante
Tyson Fury est le champion du monde des poids lourds WBC. Anthony Joshua est quant à lui champion du monde des poids lourds WBA-IBF-WBO. Il s’agit d’un match opposant deux sportifs arrivés au sommet de la boxe professionnelle mondiale, que tout le monde réclame à cor et à cri depuis des années, et dont l’organisation a nécessité des mois de négociations multipartites hautement confidentielles.
Celles-ci ayant finalement abouti, Fury a cru opportun de diffuser sur les réseaux sociaux une vidéo de remerciements où il mentionne notamment le formidable travail de l’un de ses “conseillers”, un certain Daniel Kinahan dont la réputation dépasse quelque peu celle du consulting sportif.
Alors que le premier Ministre irlandais lui-même s’est ému de la présence de Kinahan dans les tractations, un député du parlement irlandais a rappelé que la justice du pays considérait l’individu comme « une figure très élevée dans le crime organisé à l’échelle mondiale ». Un CV bariolé hélas caricatural d’une partie de la population évoluant dans les recoins obscurs du “noble art”.
Des liens historiques entre la boxe et le banditisme
La boxe est un sport bien particulier, de par sa nature violente et spectaculaire. Le professionnalisme y a toujours existé et les combats de boxe ont constamment fait l’objet de paris au plus bas comme au plus haut niveau. Les sommes et la passion engagées autour de ces rencontres ont toujours été immenses, au point que l’Angleterre en interdira la pratique dès 1743, suivie de près par les Etats-Unis et le reste de l’Europe. La prohibition – qui a duré jusqu’au début du XXe siècle – a comme bien souvent fait le lit du crime organisé.
Lorsqu’elle est à nouveau autorisée, la boxe est irrémédiablement marquée par près de 250 ans de clandestinité, laquelle n’a en rien entamé l’engouement qui l’entoure, bien au contraire. Elle est en revanche entièrement contrôlée par des organisations à même de gérer un phénomène de cette envergure en marge de la loi.
Dès lors, la boxe professionnelle internationale va se structurer non pas autour d’un système de régulation, de formation et de compétitions centralisé, axé sur l’impartialité et l’égalité des chances, comme la plupart des fédérations sportives, mais autour de structures concurrentes, non harmonisées et recherchant une rentabilité maximale dans le cadre d’un spectacle.
Un mal chronique
C’est dès lors un sport sulfureux qui s’est développé, au fonctionnement opaque et dont l’histoire moderne est émaillée d’une quantité absurde de scandales, de magouilles et de figures controversées. C’est Frank Carbo, patron de la mafia new-yorkaise, qui scelle de façon décisive le sort de la boxe professionnelle américaine dans les années 30 en faisant main basse sur l’IBC (International Boxing Club), important organisateur de combats. Ce sera l’apothéose des rencontres truquées, du racket des boxeurs et des entraîneurs, jusqu’à la fin des années 50, quand le FBI mettra fin à ses activités.
Mais la relève est assurée. Le très célèbre Don King, qui a pris en main la carrière d’innombrables boxeurs dont Cassius Clay ou Mike Tyson, avait déjà été condamné pour meurtre avant de s’intéresser à la boxe. Il démarre sa carrière d’organisateur de combats avec Cassius Clay – le futur Mohammed Ali – en lui faisant disputer un combat lors d’un gala de charité pour un hôpital, lequel ne touchera jamais le moindre centime et fermera peu après. Ce ne sont là que deux exemples parmi des centaines, dont ce sport pâtit encore et toujours.
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