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Poutine vole-t-il au secours de son bien-aimé Bachar Al-Assad ?

Publié le 4 novembre 2015,
par VisionsMag.
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Le 28 septembre 2015, Vladimir Poutine exhortait la communauté internationale à soutenir Bachar Al-Assad afin d’endiguer les troupe de l’Etat islamique (EI). Le 30 septembre, le Kremlin effectuait des frappes aériennes dans le nord et l’est du pays. Le soutien de Moscou au régime de Damas semble indéfectible : quelles sont les raisons qui poussent Vladimir Poutine à défendre avec fermeté son homologue syrien ? Décryptage.

Soutien militaire renforcé : la Russie frappe en Syrie

Depuis la fin du mois de mars 2015, le régime de Bachar Al-Assad perd du terrain dans sa lutte contre de nombreux groupes armés : le régime alaouite a cédé plus de 3/5 de son territoire, notamment depuis que la province d’Idlib et la ville de Palmyre sont passés sous le contrôle des forces islamistes. Une position délicate alors que les effectifs de l’armée étatique se sont effondrés de 250 000 hommes en 2011 à 70 000 en 2015. Même si, d’après les chiffres de l’observatoire syrien pour les droits de l’Homme, l’EI contrôlerait désormais la moitié du territoire syrien, l’impact des revers subis par le régime de Damas reste à modérer. En effet la partie ouest du territoire national qui regroupe trois-quarts de la population syrienne reste sous le contrôle de Bachar Al-Assad, alors que l’EI contrôle des zones majoritairement inhabitées à l’est et au nord du pays.

Toutefois face aux difficultés rencontrées par le régime de Damas, la Russie a intensifié sa présence militaire sur le sol syrien avant de lancer ouvertement des attaques aériennes contre les partisans de l’EI. Moscou avait a progressivement déployé ses forces autour de Lattaquié et Tartous, envoyé armement et matériel militaire à l’armée d’Al-Assad, ouvert un aérodrome militaire à Lattaquié dans le but de pouvoir opérer des frappes militaires. Le 30 septembre 2015, quelques heures après que Damas ait demandé à Moscou de lui fournir une aide militaire, l’armée russe a effectué ses premières frappes aériennes ciblant les points stratégiques de l’EI – selon la version officielle relayée par le Kremlin.

Vladimir Poutine, défenseur d’une coalition internationale anti-islamiste

Avant d’opérer les premières frappes sur le sol syrien, Vladimir Poutine s’est adressé le 28 septembre 2015 à l’assemblée générale des Nations unies, invoquant la nécessité de soutenir le régime d’Al-Assad considéré comme le seul rempart à la menace terroriste islamiste en Syrie. Il offrirait même de défendre les intérêts des Etats occidentaux contre la menace terroriste émanant de l’EI et le flot de réfugiés arrivant en Europe à l’heure actuelle. La Russie, protecteur des Etats-Unis et des Etats de l’Union européenne, une fable qui pourrait prêter à rire si la position de Moscou ne rencontrait pas de plus en plus d’échos auprès des états occidentaux.

Maintenir ou ne pas maintenir Bachar Al-Assad : les Etats occidentaux restent divisés

En effet, le maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad devient une alternative progressivement envisagée comme étant inévitable même si cette solution est loin de faire l’unanimité. La montée de l’EI qui appelle à commettre des attentats dans les pays occidentaux, en parallèle de l’afflux des réfugiés syriens, sont devenus des préoccupations majeures des Etats occidentaux.

Lors du quatrième sommet européen des 15 et 16 octobre 2015 consacré à la crise provoquée par l’arrivée massive de réfugié, le Conseil européen a affirmé que le régime d’Al-Assad ne pouvait être considéré comme un allié dans la lutte contre l’EI car, il « porte la plus grande part de la responsabilité des 250 000 morts qu’a fait le conflit et des millions de déplacés » et qu’« il ne peut y avoir de paix durable en Syrie sous le régime actuel ». Mais il a reconnu en filigrane que son départ n’était plus une condition sine qua none dans la tâche épineuse de trouver une solution au conflit syrien(1). La France, qui s’oppose vigoureusement au maintien au pouvoir du dictateur syrien, devient progressivement une voix isolée parmi des pays européens inquiétés par ce qui est perçu comme un afflux d’immigrés syriens et par les avancées significatives des Islamistes en Syrie(2).

Si les Etats européens restent divisés sur la question et ne parle pas d’une voix unanime, il est indéniable que les promesses du Kremlin – même si elles sont reçues avec un brin de suspicion – sont plus en plus entendues, et certains gouvernements considèrent que la Russie pourrait éventuellement jouer le rôle de facilitateur dans des négociations qui pourraient mener à une sortie de crise.

Etablir un « Israël alaouite » ?

Pourtant, malgré le récent déploiement militaire et l’image affichée d’une Russie proactive protégeant les intérêts occidentaux, le Kremlin ne disposerait pas moyens nécessaires pour créer une réelle force internationale opposée à l’EI.

Dans les faits, aucun terrain d’entente n’a été établi avec l’opposition modérée et le Kremlin est même accusé de frapper d’autres cibles que celles de l’Etat islamique. Les Etats-Unis et la France(3), qui effectuent également des frappes aériennes en Syrie et en Irak depuis la création de la coalition anti-djihadiste contre le groupe de l’Etat islamique en septembre 2014, ont émis des doutes quant aux objectifs visés par le Russie, et insinuent que l’opposition modérée et d’autres groupes armés auraient pu également être ciblés. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a ainsi suggéré que les frappes russes auraient pour objectif principal d’assurer la sécurité de Bachar Al-Assad et de protéger les territoires sous son contrôle, plutôt que détruire les cibles stratégiques de l’EI.

De plus, même si le déploiement russe a contribué à faciliter l’avancement des troupes syriennes au nord-est, les efforts déployés à l’heure actuelle sembleraient trop limités pour pouvoir significativement renverser la situation au profit de Damas. L’objectif sous-jacent serait plutôt de fonder un « Israël alaouite », un territoire protégé des Islamistes. Et correspondant accessoirement au cœur alaouite du régime de Damas et comprenant les principaux axes stratégiques pour le Kremlin – notamment Lattaquié, Tartous, Homs et Damas. Même si la création de cette enclave défensive pourrait permettre d’endiguer la progression de l’EI, il semblerait que Moscou chercherait avant tout à protéger ses intérêts stratégiques en Syrie.

Poutine vole-t-il au secours de son bien-aimé Bachar Al-Assad ?
Vladimir Poutine déploie ses efforts pour venir au secours de son homologue Bachar Al-Assad. Les enjeux derrière l’intervention russe en Syrie.
Poutine vole-t-il au secours de son bien-aimé Bachar Al-Assad ?

Sauvegarde des intérêts stratégies russes au Moyen-Orient

Malgré les grands discours de Poutine et la volonté affichée de défendre le régime de Bachar Al-Assad, la diatribe de la protection contre l’extrémisme islamiste syrien cache bien des intérêts stratégiques que Moscou entend concrètement défendre en appuyant Damas.
La Syrie fait office de pays clé pour la reconquête du Moyen-Orient par une Russie qui entend bien revenir sur le devant de la scène dans la région où son influence a fortement décru depuis les années 90 et l’effondrement de l’URSS. De surcroît mise au ban depuis mars 2014 lors de l’annexion militaire de la Crimée, la Russie veut retrouver une place de choix sur l’échiquier politique international. Elle ne souhaite plus être le témoin passif des bouleversements au Moyen-Orient sans avoir son mot à dire, notamment face aux Etats-Unis avec lesquels la rivalité n’a jamais cessée depuis la fin de la Guerre Froide.

Sur le plan militaire, la collusion entre intérêts russes et syriens au Proche-Orient ne date pas de la crise que traverse le pays depuis 2011. Au temps de l’URSS, suite à l’échec de la République arabe unie entre la Syrie et l’Égypte de Nasser favorable aux Etats-Unis, Damas avait déjà gagné l’appui de Moscou. Dès 1971 le Kremlin avait établi une base militaire à Tartous, et a activement contribué à équiper l’armée syrienne et à la former en envoyant ses conseillers militaires. Résultat : à l’heure actuelle, 90% du matériel militaire syrien est d’origine russe, la base navale de Tartous où se trouvent 150 hommes est l’unique base pour la flotte militaire russe en Méditerranée, la base de Lattaquié offre des facilités logistiques à l’armée russe et les contrats de ventes d’armes russes dépassent les 4 milliards d’euros.

La Syrie représente également un allié économique de taille pour la Russie au Proche-Orient : 10% des exportations russes y sont destinées ainsi que d’importants investissements russes dans le domaine de l’énergie. Le premier producteur russe de pétrole Lukoil a massivement investi en Syrie et en 2009 l’entreprise Stroytransgaz a amorcé un ambitieux projet de traitement de gaz à Homs. En 2005, Moscou a même effacé une partie de la dette syrienne – la ramenant de 13,4 milliards de dollars à 3,6 milliards.

L’ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev, Andreï Gratchev, affirme néanmoins que l’enjeu essentiel pour la Russie est de protéger son territoire des tensions islamistes qui pourraient se développer dans les zones frontalières et à l’intérieur de son territoire – à l’instar de la Tchétchénie ou du Caucase. Il qualifié cette crainte de l’implosion de la Syrie comme étant une « préoccupation légitime », qui expliquerait les efforts déployés par Moscou en soutien de la lutte menée par le régime de Bachar Al-Assad. Refusant l’image du mariage de la Russie et de la Syrie, il affirme que le soutien russe n’est pas « un soutien à un dictateur bien-aimé » mais la recherche d’une solution efficace pour contrer la montée d’une opposition syrienne hétérogène et composée de groupes terroristes et islamistes.

Autant de raisons qui peuvent apporter un éclairage sur l’implication russe en Syrie, et qui soulignent que les intérêts stratégiques militaires, politiques ou économiques se cachent bien derrière les agissements de Vladimir Poutine, qui ne vient pas voler au secours de son bien aimé Bachar Al-Assad sans arrière-pensée.

1 : Déclaration du sommet, conclusions, §4
2 : Il convient de modérer le ressentit d’afflux de réfugiés en Europe : malgré les problèmes d’accueil rencontrés on Européenne, plus de 95% de 4 millions réfugiés syriens se trouvent dans les pays limitrophes (Turquie, Liban, Jordanie, Irak et Egypte) selon les données d’Amnesty International. Même si les demandes d’asile ont augmenté en 2015, moins de 4% des syriens trouvent refuge en Europe.
3 : La France a également effectué des frappes aériennes sans l’aval de l’ONU le 27 septembre et dans la nuit du 8 au 9 Octobre, sous la seule autorité du Président François Hollande.
sur le sol de l’Uni
Références des images : lefigaro.fr / 20mn.fr / lemonde.fr